L’effet Streisand : Comment les entreprises aggravent leurs crises
Date12 February 2025
Type
Articles
Le domaine de la gestion de crise est un terrain délicat où chaque décision peut entraîner des conséquences inattendues. Parmi les pièges les plus connus figure l’effet « Streisand », un phénomène où les efforts pour supprimer ou dissimuler une information entraînent exactement l’effet inverse : sa propagation massive.
Ce paradoxe tire son nom d’un incident survenu en 2003, lorsque Barbara Streisand a tenté de faire retirer une photo aérienne de sa résidence en Californie. Avant sa plainte, l’image n’avait été téléchargée que six fois. Après l’affaire, ce chiffre a explosé à plus de 420 000 en quelques jours.
Cet effet, montre à quel point une mauvaise gestion d’une controverse peut transformer une situation discrète en une véritable tempête médiatique. Voici quelques exemples récents qui illustrent ce phénomène.
Body-minute : La parodie qui vire à la polémique
Depuis 2022, Body Minute, une chaîne de salons de beauté dirigée par Jean-Christophe David, est au cœur d’une controverse majeure. Tout a commencé par une simple vidéo parodique de Laurène Levy, une influenceuse suivie par 340 000 abonnés. Dans cette vidéo humoristique, Laurène interprétait une “esthéticienne passive-agressive” caricaturant les stéréotypes associés à Body Minute.
Plutôt que d’ignorer la vidéo ou d’adopter une réponse humoristique, la marque a réagi de manière agressive en assignant Laurène Levy en justice pour “dénigrement”. Elle a également lancé une campagne publique sur les réseaux sociaux visant à discréditer l’influenceuse, la surnommant « Laurène la haine ». Ces tentatives maladroites n’ont fait qu’amplifier la situation : la vidéo initiale, qui comptait quelques centaines de vues, a rapidement dépassé 1,3 million de vues sur TikTok.
Ce n’était que le début. La polémique a gagné en intensité lorsque d’autres influenceuses ont commencé à publier des vidéos dénonçant Body Minute, ce qui a provoqué une vague de critiques sur les réseaux sociaux. L’enseigne, plutôt que de désamorcer la situation, a alimenté l’effet Streisand, transformant une parodie isolée en une véritable crise médiatique.
Aujourd’hui, l’affaire est en cours au tribunal de commerce de Paris, où un verdict est attendu. Pendant ce temps, Body Minute continue de faire face à un bad buzz persistant, mettant en lumière les dangers d’une réponse disproportionnée face à une critique publique.
United Airlines : Une expulsion, un scandale global
Le 9 avril 2017, United Airlines a vécu l’une des crises médiatiques les plus marquantes de l’ère des réseaux sociaux. L’incident s’est produit lorsque le Dr David Dao, un passager d’un vol surbooké, a été violemment expulsé de son siège par des agents de sécurité. Ce qui aurait pu rester un incident interne a pris une ampleur mondiale lorsqu’une vidéo amateur, filmée par un autre passager, a révélé le Dr Dao ensanglanté, traîné de force hors de l’avion et manifestement inconscient.
La vidéo, diffusée sur Twitter et Facebook, est devenue virale en quelques heures, suscitant une vague d’indignation mondiale. Plutôt que de répondre immédiatement avec empathie et transparence, United Airlines a d’abord tenté de minimiser l’incident. Le PDG de la compagnie, Oscar Munoz, a qualifié l’épisode de « contrariant », mais a ajouté que le passager avait été “perturbateur et belligérant”, insinuant qu’il était en partie responsable de la situation.
Cette tentative de rejeter la faute sur la victime a eu l’effet inverse : l’indignation publique s’est intensifiée. Sur Twitter, l’hashtag #UnitedAirlines a explosé, générant plus de 1700 tweets par heure au pic de la crise, atteignant 20 millions de personnes chaque heure. La vidéo a été vue des millions de fois en quelques jours, relayée par des médias du monde entier.
Sous la pression massive de l’opinion publique et de nombreux appels au boycott, United Airlines a finalement changé de ton. Oscar Munoz a présenté des excuses publiques plus sincères et promis une révision des politiques de surbooking. Cependant, le mal était déjà fait : la réputation de la compagnie avait subi un coup sévère, et les retombées financières ont été significatives, avec une chute temporaire du cours de l’action.
Ce cas illustre parfaitement l’effet Streisand : une tentative de minimisation ou de suppression d’un incident peut facilement devenir le catalyseur d’une crise de grande ampleur. United Airlines aurait pu éviter une telle amplification en adoptant dès le départ une stratégie de communication basée sur l’empathie.
Amazon et le logo controversé : Quand le design devient une crise
En 2021, Amazon a fait face à une controverse inattendue liée à un détail aussi anodin qu’un logo d’application. Lors d’une mise à jour de son application mobile en début d’année, le géant du commerce en ligne a remplacé son ancien logo par une nouvelle version représentant un colis en carton avec un morceau de ruban adhésif bleu.
Néanmoins, en février 2021, ce qui aurait dû passer inaperçu a pris une tournure embarrassante lorsqu’un groupe d’internautes a remarqué que le ruban adhésif en question ressemblait étrangement à la moustache d’Hitler. Bien que cette ressemblance ait d’abord été relevée par un nombre limité de personnes, Amazon, en réagissant immédiatement pour modifier le logo, a involontairement attiré l’attention du grand public sur cette controverse.
Le changement de design aurait pu rester discret, mais la précipitation d’Amazon à supprimer le logo initial a déclenché un effet Streisand. Des captures d’écran de l’ancien logo ont circulé sur les réseaux sociaux, suscitant moqueries et débats. Des articles dans les médias ont amplifié la polémique, forçant Amazon à justifier le changement de design.
Cette affaire met en évidence les défis de la gestion de crise à l’ère numérique, où même les moindres détails peuvent être scrutés et transformés en scandale. La prudence aurait pu éviter cet incident, mais la réaction précipitée d’Amazon a transformé une situation insignifiante en une source d’embarras mondial.
Conclusion : L’effet Streisand, un piège à éviter
Ces exemples révèlent une leçon universelle pour les entreprises et les organisations : dans un monde hyperconnecté, tenter de cacher une information ou d’éteindre une controverse peut avoir l’effet inverse. L’effet Streisand démontre qu’une mauvaise gestion de crise, caractérisée par des réactions disproportionnées, un manque de transparence ou une absence d’empathie, peut entraîner des dommages durables à la réputation d’une marque.
Pour éviter ce piège, la clé réside dans une communication stratégique et mesurée. Adopter une approche basée sur l’écoute, la sincérité et la proportionnalité permet de désamorcer les tensions sans amplifier la controverse. Car à l’ère des réseaux sociaux, il est souvent plus efficace de reconnaître ses erreurs que de chercher à les masquer.
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